Ha, le chômage ! Sujet complexe et épineux.
En nous apprêtant à aborder cette thématique, nous étions inquiets et déconcertés. Il y a tant à dire, tant à faire, tant à réfléchir, on pourrait même aller plus loin et dire que le chômage est dans son approche un peu similaire à la beauté : une histoire de subjectivité.
En effet, tout le monde a un avis dessus, et tout le monde pense bien sûr que sa solution est la bonne. Mais le chômage concrètement, c’est quoi ? Quelle est son histoire ? Quand a-t-il débuté ? Quelle était sa forme à ses débuts et à quoi servait il ? Comment le financer ? Combien y’a-t-il de chômeurs en France et qu’elle a été sa courbe d’évolution ?
Et surtout la question qui nous taraude : Aujourd’hui, en 2019, le chômage peut-il encore baisser de manière significative et de longue durée ?
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Partons d’un postulat simple : le chômage a toujours existé.
Le chômage, qu’est que c’est ?
La définition du chômage dans le dictionnaire Larousse est : “ la situation d’un salarié qui, bien que apte au travail, se trouve privé d’emploi.”
Petit cours d’histoire
Le chômage est donc une couverture économique pour un salarié en recherche d’emploi.
Tout le monde ne peut donc pas en profiter, car oui, il faut avoir été salarié pour espérer le toucher.
Pour être plus précis, à l’heure actuelle, il faut avoir travailler un minima de 122 jours où l’équivalent de 610 heures pour percevoir une indemnisation.
Mais le chômage n’a pas toujours eu cette signification.
Issu du latin populaire « Caumara », dérivé du grec ancien « Kauma » signifiant « se reposer pendant la chaleur », le chômage désigne « l’espace de temps qu’on est sans travailler ».
Fait encore plus surprenant, le chômage, à sa genèse, ne désignait pas que les hommes mais également les lieux de production (usines, champs moulins etc…) ne pouvant produire quelques choses.
C’est dans la Bible, que les premières références au chômage sont évoquées avec le septième jour chômé.
Volontaire et religieux, il est bien sûr complètement différenciant de celui que nous connaissons aujourd’hui.
Mais ce n’est pas tout, et des cas de chômages involontaires apparaissent également.
Alors, comment le problème des gens sans emploi a été traité dans l’histoire ?
Malheureusement, la misère a toujours été lieu commun à travers les âges et les civilisations. La plupart d’entre elles ont laissé mourir les plus faibles, rangeant chômeurs, pauvres et mendiants dans la même catégorie, appliquant bien souvent la loi du plus fort. D’autres civilisations ont choisi d’essayer de résoudre le problème de manières différentes.
De la Grèce à l’hospice
Dans l’Antiquité, la société Athénienne s’inquiète de voir des gens sans travail errer dans la rue. L’Etat trouve comme solution d’engager ces hommes à coût très faible dans divers colonies grecques pour aider à la croissance et au développement du pays. Esclaves et chômeurs effectuaient bien souvent les mêmes tâches et étaient logés à la même enseigne.
Angleterre, 1235 : une loi permet aux Lords d’acheter des terres communales réservées exclusivement à l’élevage de moutons. Or, ces terres étaient déjà exploitées par la population.
Chassés, ces paysans devinrent des « vagabonds des récoltes » errants à travers le pays à la recherche de travail et recevant un petit pécule de la part du Lord de la région.
Ce sont les premiers chômeurs et d’une drôle de manière, intérimaire de l’histoire.
La religion, a eu au cours des siècles, un énorme impact sur le comportement de la population et sur ses mœurs. Prenons l’exemple des catholiques et des protestants.
Dans les sociétés catholiques, les gens sans emploi étaient très mal vus et monnaies courantes, ce qui irritait au plus haut point les chefs religieux.
Ceux-ci faisaient l’aumône et le riche y répondait pour se donner bonne faveur et gagner son salut. Il s’agissait là d’un véritable échange social.
Le protestant, quant à lui, gagne son salut sur Terre en exerçant son métier, ce qui induit que tous les protestants devaient être en mesure de vivre de leurs métiers. Ainsi, les plus riches sont dans l’obligation d’embaucher les plus pauvres.
La religion a donc un impact social, salarial, économique et direct sur le chômage.
« Celui qui ne fait pas travailler un pauvre, finalement, le tue ». Calvin |
C’est au début des années 1600 que les premières politiques publiques en rapport avec l’inactivitée émergent. L’Angleterre et la France, pionnières en la matière, créent des hospices dont les conditions de vie sont ni plus ni moins similaires à celles du bagne. Toutes les personnes en capacité de travailler et à la rue y étaient alors conduites.
Les salaires étaient faibles, les conditions de vie médiocres et les productions engendrées, de piètres qualités.
Les débuts du chômage moderne
Le monde du travail, jusqu’au 19e siècle va effectuer une profonde mutation pour ressembler peu à peu à la forme que nous connaissons aujourd’hui : le chômage « faute d’emploi ».
La vision que la société porte sur le chômage va évoluer avec plusieurs facteurs majeurs liés aux révolutions industrielles et agricoles et qui donneront naissance à quelque chose de primordial dans notre société : le salariat.
Le terme « chômeur » à cette époque, est très peu utilisé par les politiques et les intellectuels et le mot reste assez abstrait. Les gens préférant utiliser des substantifs comme “ les sans-travails”, “les valides sans-emplois”.
Pour parer à ce problème et clarifier même le concept de chômage, Frédéric Leplay et Louis René Villermé, écriront le « Rapport sur l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie. »
Sous ce nom à rallonge, les deux sociologues mettront en lumière l’importance du chômage suite aux variations des activités du textile en France.
Absent des mouvements littéraires et des réflexions économiques des grands de ce siècle, le chômage entrera dans la littérature via la plume de Emile Zola dans « Germinal » et « l’Assommoir ». |
Le chômage moderne apparaît de manière lisible en 1880 par le professeur à l’université de Cambridge Alfred Marshall (1824-1924).
Il perçoit alors deux types de chômages bien distincts :
- Le « chômage occasionnel » qui résulte de variation de l’activité et des difficultés d’ajustement entre l’offre et la demande sur les marchés. Ce type de chômage varie en fonction des chiffres et de la santé de son entreprise sur le marché. C’est un chômage involontaire.
- Le « chômage systématique » rassemble tous les travailleurs à la limite du salariat ou qui le sont seulement par intermittence. Mais également les gens inemployables et ceux qui ne veulent tout simplement pas travailler.
Au début du 20e siècle, le chômage devient alors un fait social majeur dans la vie économique et politique du pays mais aussi à l’international et c’est en 1896 que pour la première fois la catégorie « chômeur » apparaît dans le recensement de la population française.
Il y a en France deux sources statistiques principales sur le chômage : les statistiques mensuelles du Ministère du travail, élaborées à partir des fichiers de demandeurs d'emplois enregistrés par Pôle Emploi et l'enquête emploi de l'Insee, qui mesure le chômage au sens du BIT Le Bureau international du Travail.
Il est intéressant de mettre en avant l’émergence des statistiques (l'Insee) à la même période. Ces dernières permettent d’obtenir des chiffres très précieux comme le nombre de chômeur mais également de les répertorier. Certains vont même à dire que les statistiques sont les « inventeurs » du chômage moderne.
C’est avec l’explosion des mouvements ouvriers que le chômage moderne prendra une grande ampleur. Bien qu’encore mal perçu, il devient primordial avec l’apparition de nouveaux statuts salariaux dans les usines. Détesté des ouvriers qui vivent dans la peur de se voir prendre leur place, le chômage permet d’instaurer du chantage à l’emploi et de maintenir les salaires à un niveau très bas.
« Les chômeurs sont des armées industrielles de réserve ». Karl Marx |
La naissance des organismes sociaux
Progressivement, le chômage va être encadré et utilisé à bon escient.
C’est un mois après le début de la première guerre mondiale que l’Institut National du Chômage apparaît. Créé par l’état, son objectif est d’indemniser les travailleurs ayant perdu leurs emplois à cause des activités liées à la guerre.
Contrairement aux idées reçues, le nombre de chômeur ne va cesser de diminuer, les hommes partants tous sur le front. Les cas étaient traités un par un par une commission paritaire composée de patrons et d’ouvriers. Ce fond, est celui que nous connaissons aujourd’hui, bien que les règles et les formes soient différentes.
Entre le début des années 20 et jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale, la plupart des actions mises en place par les pays industrialisés s’inscrivent dans une même logique économique et sociale. Le chômage, dû aux relents économiques, au boom technologique et à la réduction du travail feront que cette période d’entre deux guerres connaîtra un chômage particulièrement bas.
Les demandes d’emploi étaient à cette période, très suivies.
En effet, pour profiter du pécule accordé par l’institution, il fallait s’enregistrer dans les bureaux de placements, qui enregistraient et suivaient de près les chômeurs dans leurs démarches.
Après la deuxième guerre mondiale (qui a vu disparaître le chômage durant les années de conflits), Sous l’impulsion du gouvernement, le chômage en France s’inscrit dans la logique assurantielle instaurée par la sécurité sociale en 1945. C’est-à-dire : qu’elle assure ceux qui cotisent, et cela, proportionnellement aux cotisations versées.
La période chaste des trentes glorieuses marquera un chômage très faible avoisinant les 2%.
Période de reconstruction du pays, il ne commencera à croître qu’au début des années 80 et dépassera fréquemment la barre des 10% de chômeurs.
En France, contrairement à la plupart de ses voisins européens, le chômage ne baissera pas ou que très peu et fluctuera toujours entre 8 et 12%.
Mais revenons aux années 60, Jacques Chirac est alors un jeune secrétaire d’Etat et le pays compte 200 000 chômeurs.
Pour dynamiser les personnes en recherche d’emplois et continuer d’améliorer l’image collective de ces derniers, monsieur Chirac crée l’ANPE.
Suivi personnalisé, accueil par des psychologues, la personne sans emploi n’est plus traitée comme un chômeur mais comme un client que l’on doit aider et choyer.
« Je crois que la dignité même du travailleur implique la mise en œuvre non plus d’une notion d’assistance qui me paraît périmée comme celle de chômage mais de la notion de solidarité professionnel et de solidarité nationale ». Jacques Chirac Juillet 1967 |
L’émergence des ordinateurs mais surtout les crises pétrolières et financières vont obliger l’ANPE à se moderniser et à mettre aux placards ses tableaux d’affichage pour faire place aux ordinateurs.
L’inscription par internet devient alors obligatoire.
La naissance de Pôle Emploi
En 2008, pour simplifier le parcours usager et une facilité de paiement, l’ANPE fusionne avec les ASSEDIC et devient le Pôle emploi que l’on connaît aujourd’hui.
Si l’idée est bonne, pôle emploi est aujourd’hui considéré comme dépassé. Ergonomie du site jugée désuète, erreurs sur les comptes et bugs à répétition, calculs des indemnités hasardeuses. Pôle emploi est fortement remis en cause. Ne parvenant pas à suivre les mutations du marché de l’emploi, les candidats ont tendance aujourd’hui à prioriser les sites liés à l’emploi dont les annonces sont jugées plus faciles d’accès et les critères de recherches plus pertinents.
Il y a 40 ans, 2/3 des français avaient fois en l’ANPE, ils sont aujourd’hui 10% à avoir confiance dans le service de l’Etat.
Si son inefficacité criante est pointée du doigt, ce n’est pas la seule raison du mécontentement des français.
Les allocations chômage depuis plusieurs décennies diminuent.
Sous George Pompidou, 90% du dernier salaire est reversé aux demandeurs d’emplois. Ce qui leur vaut la réputation d’être « les chômeurs les plus heureux du monde »
Cette phrase, bien que scandée sur le ton de l’humour, reflète une réalité : le nombre d’abus sur les indemnisations perçues auprès de l’ANPE.
Georges Marchais, secrétaire générale du parti communiste y répondra d’ailleurs par cette phrase : « il ne faut jamais l’avoir été pour dire une chose pareille ».
Le pourcentage d’indemnisation est fortement dégressif.
Avant 2014, quelqu’un travaillant en temps partiel touchait en moyenne 77 % de son ex-salaire NET. Pour les smicards, la moyenne était de 78% puis, à partir de 1500€ NET par mois, l’indemnisation totale passait sous le seuil des 70%.
L’indemnisation représentait 57,4% du salaire brut calculé sur la base des 12 derniers mois de salaires et des primes affaires pour toute personne gagnant plus de 2042€ NET par mois.
Pour un salarié dont le salaire compris entre 1236€ et 2042€ NET par mois, l’allocation perçue était de 40,4% du salaire journalier BRUT +11,57€ par jour.
Le 1 juillet 2014, une nouvelle convention d’assurance chômage entre en vigueur.
L’allocation de retour à l’emploi représente désormais 57% du salaires BRUT, l’indemnisation ne pouvant être inférieur à 28,58€ par jour. Bien sûr d’autres aides peuvent venir se greffer à ce pécule en fonction du profil.
Conclusion : et maintenant ?
On ne peut graver dans le marbre que le passé, et le chômage font partie des choses en constante évolution selon l’époque.
Le chômage est extrêmement difficile à calculer et à doser, et de ce fait, ne peut pas être considéré comme quelque chose de figé.
En effet, est-ce que trop donner n’inciterait pas les gens à ne pas travailler ?
Également, est-ce que cela ne viderait pas les caisses de l’Etat et n'augmenterait pas les cotisations salariales et patronales ?
Néanmoins, quoi qu’on en dise, nous sommes en Démocratie et il est inconcevable de ne pas aider nos concitoyens. Un chômeur peut coûter cher en étant inactif et en ne consommant pas.
Nous avons donc tout intérêt à tout mettre en œuvre pour l’aider à trouver un emploi.
Aujourd’hui, Pôle emploi est inefficace face à l’effervescence autour de l’évolution technologique.
Tout va bien trop vite pour un tel mastodonte devant gérer tant de gens.
Si internet permet de mieux classer et régler certaines situations, est-ce que tout informatiser et a fortiori tout déshumaniser, ne ferait pas perdre confiance en la structure puisque l’humain étant plus réticent à faire confiance à une machine ?
Il est intéressant de constater que l’évolution du chômage est extrêmement lié à l’évolution des droits sociaux. Plus une société est évoluée et a une population éduquée, plus elle donne et aide ses citoyens.
Également, le chômage va subir de prochaines mutations dans le même temps que celles du travail. Et si nous avons parlé du chômage français, le chômage international est très intéressant à analyser aussi.
Nous permettant ainsi de comprendre un peu le monde du travail de demain et ses enjeux.
Mais ça, nous le verrons dans la partie 2.
La deuxième partie s’intéressera aux chiffres et aux possibles modèles qu’il pourrait prendre à l’avenir.
Références :
Ses.ens-lyon - Wikipédia - Lemonde - Atd-quartmonde - Alternatives-economiques - Wan2bee - Persee - Persee - Schoolmouv - FranceTvInfo
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