"Mon père me disait : Fabien, si une porte se ferme pour toi, sache qu’il y a des milliers d’autres portes qui vont rester ouvertes pour toi. Donc ce n’est pas parce que tu as eu un refus quelque part, que c’est fini.”
Il y a de ces parcours qui sont extraordinaires. Voici notre deuxième portrait d'une série de personnes au parcours atypique et motivant. Du Rwanda à sa quête d'aider les gens, voici l'histoire de Fabien, Chercheur sur le cancer du sein à l'Institut Curie.
Zoom sur le portrait atypique d'un chercheur pas comme les autres.
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Aujourd’hui, nous sommes partis à la rencontre de Fabien, un chercheur un peu particulier.
Fabien est né au RWANDA. Petit, il perdit sa mère durant le génocide de 1994.
Du Rwanda, en passant par la France et l’Algérie, découvre ce parcours pour qui le destin ne pouvait pas grand chose, voici son histoire.
#Partie 1 : à la découverte de sa passion
Je m’appelle Fabien Sindikubwabo, je suis franco-rwandais et je suis chercheur post-doctorant sur le cancer du sein, au sein du Centre de recherche de l’Institut Curie.
Je fais également partie depuis 2018 du programme Franco-British. Ce programme sert à promouvoir les relations entre la France et l’Angleterre.
Depuis tout petit je suis passionné par la science, notamment l’astronomie.
Après avoir obtenu le baccalauréat en sciences et en biochimie au Rwanda en 2006, le gouvernement rwandais m’a donné une bourse d’Excellence pour continuer une licence en biotechnologie et santé en Algérie.
Louis Pasteur : une inspiration éternelle
C’est là-bas, en effectuant un stage dans un hôpital d’Alger, en voyant les gens souffrants et malades, que j’ai eu envie d’aider les gens en devenant chercheur dans le domaine médical.
Dans la même période, j’ai également découvert un grand pionnier du domaine scientifique et de la microbiologie, monsieur Louis Pasteur qui m’a beaucoup inspiré et motivé dans la poursuite de mes études.
Il y a notamment une de ces citations qui m’a profondément marqué : “ dans la vie rien n’est à craindre, tout est à comprendre”.
Cette simple phrase m’anime et me donne l’envie de continuer la recherche fondamentale d’excellence sur les maladies infectieuses et le cancer. Comprendre les mécanismes biologiques, de la tumeur, du cancer, et identifier de nouvelles cibles thérapeutiques.
#Partie 2 : devenir chercheur...en France
C’est en 2010, attiré par la qualité de l’enseignement dans les universités françaises que je suis venu en France.
J’ai donc eu la chance de poursuivre mes études en Master en biochimie et biologie santé d'abord à la Rochelle, puis, à Toulouse.
Financer ses études : un premier objectif
Ma plus grande difficulté en arrivant en France a été de financer mes études !
Pour palier à cela, pour payer mon loyer, pour pouvoir manger. À la Rochelle je travaillais tous les soirs et les week-ends dans un restaurant en tant que plongeur.
J’étais en cours la journée jusqu'à 19 heures, puis, j’allais travailler au restaurant jusqu'à 23 heures et, de 23 heures à 3 heures du matin je révisais.
Etudier et travailler : des journées très longues
Une autre difficulté est alors apparue.
Je travaillais beaucoup le soir mais dans un même temps, je devais maintenir un niveau d’excellence à l’université pour pouvoir prétendre à la poursuite de mes études de doctorat qui nécessite une motivation sans faille et d’être classé parmi les meilleurs.
Dans ce travail que je faisais en parallèle, dans la restauration, j’ai découvert des gens investis qui aiment ce qu’ils font et ça m’a appris l’humilité.
Être humble, respecter ce que font les autres, et peu importe ce qu’ils font.
| | " ...J’étais en cours la journée jusqu'à 19 heures, puis, j’allais travailler au restaurant jusqu'à 23 heures et, de 23 heures à 3 heures du matin je révisais." |
À Toulouse, j’ai travaillé en tant que préparateur de commande à Leclerc, et là aussi, j’ai découvert les toulousains qui sont des gens formidables !
Ils m’ont aidé à m’intégrer, à connaître la langue occitane, que je ne parle pas mais qui permet de comprendre la culture de la région.
À la fin je prenais du plaisir à travailler à côté même si c’était difficile.
#Partie 3 : direction l'Institut Curie
De 2013 à 2017, après mes études de master, j’ai entamé une thèse à l’université Grenobles-Alpes sur les maladies infectieuses, notamment la toxoplasmose, et depuis, j’ai été recruté au Centre de recherche de l’Institut Curie en tant que Chercheur Post-doctorat sur le cancer du sein.
L’Institut Curie est une fondation reconnue d’utilité publique, depuis 1921, qui a été créé par Marie Curie et qui a trois missions majeures : la recherche, les soins, la conservation et la transmission des savoirs.
Le métier de chercheur sera-t-il automatisé dans le futur ?
Nous sommes à la pointe de la technologie et on nous demande souvent si la recherche sera automatisée dans le futur ?
C’est une question pertinente et ma réponse sera oui… ! Et non !
Oui, dans le cas de la recherche clinique, parce que je pense que l’on se dirige vers une médecine qui est personnalisée, individualisée et qui est adaptée où l’on génère beaucoup de données provenant des patients, et dans ce cas, pour traiter toutes ces données, il faudra automatiser les techniques d’analyse.
Concernant la recherche fondamentale ou la recherche translationnelle appliquée, c’est déjà le cas ! Donc on a une automatisation de certaines techniques qu’on utilise dans la recherche. Mais on ne pourra pas tout automatiser !
| | " La recherche a besoin de femmes et d’hommes chercheurs et chercheuses médecins qui réfléchissent, qui innovent, qui mettent en place des protocoles et des expériences de manières beaucoup plus fines et plus adaptées." |
Donc, la conception d’une question biologique nécessite un chercheur, donc on aura toujours besoin de l’Homme même si on a besoin d’automatiser.
Je vais vous donner un exemple concret, le séquençage à haut débit. On peut robotiser, automatiser, ça se fait déjà, mais il y a quelqu’un qui est derrière qui réfléchit pour optimiser, pour avoir un bon rendement. Donc on aura toujours besoin des chercheurs, au moins pour la créativité et l’innovation et la mise en application des protocoles et des expériences très fines.
Donc nous avons besoin de chercheurs et de chercheuses !
#Partie 4 : ne jamais laisser tomber, quels conseils ?
D’ailleurs, si tu as envie de faire ce métier, fonce !
Comme je l’ai dit précédemment “ dans la vie rien n’est à craindre, tout est à comprendre”. Le conseil que je peux te donner et que je me donne quotidiennement est tout simplement de ne jamais abandonner son rêve !
Mon père me disait “ Fabien, si une porte se ferme pour toi, sache qu’il y a des milliers d’autres portes qui vont rester ouvertes pour toi. Donc ce n’est pas parce que tu as eu un refus quelque part, que c’est fini.”
Si tu as la passion, tu as la motivation, tu as la créativité, et que tu veux devenir chercheur alors vas-y !
Peu importe d’où tu viens, peu importe la couleur de ta peau, il y a aura toujours des obstacles dan la vie. La question n’est pas de savoir si il y en aura, mais comment les surmonter ?
| | " ...Fabien, si une porte se ferme pour toi, sache qu’il y a des milliers d’autres portes qui vont rester ouvertes pour toi. Donc ce n’est pas parce que tu as eu un refus quelque part, que c’est fini." |
Il y en a qui peuvent se décourager dès le début en disant “ la porte est fermée, c’est fini” et on va se chercher des excuses. Mais on devrait dire, “ok la porte est fermée c’est pas grave, je vais trouver un moyen, je peux y arriver !”
L'être humain est plus fort, on peut y arriver, la preuve moi je viens de l’Afrique !
Je suis arrivé en France en passant par l’Algérie mais en travaillant j’ai trouvé des gens formidables qui m’ont ouvert la porte !
Et il y aura d’autres difficultés, d’autres obstacles, mais il ne faut pas abandonner !
Si tu es animé que tu as un but, n’abandonne jamais.
Et quand derrière tu as le fruit de ton travail, tu es fier de toi !
Merci à l'Institut Curie pour sa participation.
L'équipe d'accueil de Fabien Sindikubwabo à l'Institut Curie est financée par le European Research Council (ERC consolidator), la Ligue Contre le Cancer (équipe labellisée), l'Institut de France et la Fondation Charles Defforey.
Crédit citation : Marie Curie.
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