"J'ai monté ma start-up à 23 ans" - Marjolaine Grondin
Marjolaine Grondin est la CEO de Jam, le premier média conversationnel sur Messenger. Elue “30 under 30" par Forbes, “Innovators under 35” par le MIT, elle nous raconte son parcours qui l’a menée du statut d’étudiante à celui de... créatrice d’entreprise.
Bonjour, je m’appelle Marjolaine Grondin, j’ai 30 ans et je suis la cofondatrice et la CEO de Jam.
1 - Raconte nous ton parcours...
J’ai grandi en région parisienne, mais au début de l’adolescence, vers 11 ans, j’ai déménagé à l’Île de la Réunion, parce que mon père était originaire de là-bas.
Puis je suis rentrée à Paris pour intégrer Sciences Po. J’ai voyagé, notamment aux États-Unis : j’ai passé 1 an à l’Université de Berkeley, en Californie, où j’ai pu me frotter à l’entrepreneuriat pour la première fois.
J’ai ensuite intégré le double-diplôme avec HEC. Donc là, un parcours assez pertinent sur la façon dont je vois les choses : un côté très business, très concret, et en même temps, un côté service public, impact, envie de penser les choses avec l’ensemble des parties prenantes.
2 - Comment as-tu créé Jam ?
Au début Jam était une plateforme d’échanges entre étudiants, pour qu’ils se partagent des bons plans entre eux au sein de l’école. On l’a lancé en 2013, d’abord à Sciences Po, puis dans l’école d’ingénieurs de Loïc mon associé.
Pendant 2 ans, on était encore étudiants. On s’est dit qu’une fois diplômés, on se donnerait 1 an pour lever des fonds et pouvoir en vivre.
Pour résumer rapidement les étapes : on a fait notre première levée de fonds avec des business angels, on a commencé à se payer un SMIC, à recruter des stagiaires, etc. Donc là, l’aventure prend aussi un autre tournant. C’est à ce moment-là qu’on a réussi à avoir un début de belle croissance.
Et 1 an plus tard, on fait une vraie levée de fonds : 1 million d’euros, qu’on a fait grandir.
Aujourd’hui, je suis assez fière du fait qu’on soit rentables et autonomes. C’était vraiment quelque chose d’important pour moi.
Avec Jam, j’ai un poste un peu particulier d’observateur des 15-25 ans, qui sont notre cible première. Tous les jours on leur pose des questions, on les fait réfléchir, on les informe sur des sujets. Et on en extrait des insights, de la connaissance, une matière très riche sur cette génération qui n’est pas toujours facile à capter et à observer.
S’il y a une chose à dire, c’est qu’il n’y a pas UN jeune aujourd’hui, et heureusement : ça n’existe pas, le portrait-robot du 15-25 ans.
Il y a plein de typologies différentes. Mais j’ai l’impression qu’ils se trouvent un peu entre deux époques. On sent qu’on est une génération qui peut faire basculer les choses mais qui n’aura pas droit aux mêmes privilèges qu’ont eus nos aînés.
3 - Quelles ont été tes plus grandes difficultés dans ton parcours ?
Créer une entreprise, ce n’est pas un long fleuve tranquille, mais c’est une aventure passionnante ! C’est beaucoup de hauts, beaucoup de bas aussi.
Le regard des gens autour de nous change petit à petit. Après, quand on commence et qu’on est CEO, on est deux ou trois dans la boîte, donc on est CEO de pas grand-chose. Je pense que ça se fait aussi progressivement.
À la fois, c’est très positif, parce qu’on a des opportunités tout le temps, assez exceptionnelles. À la fois, c’est aussi beaucoup de pression : c’est être Marjolaine de Jam, et pas juste être Marjolaine. On la ressent aussi de la part des autres.
Des attentes, des exigences, des « Tiens les gens se sont fait cette image, est-ce que lorsqu’ils me rencontrent, ils se disent la même chose ? », et qui va jusqu’à la vie privée.
Donc c’est important aussi d’avoir des fondamentaux et des repères dans sa vie personnelle qui sont très très forts.
Ce qui est difficile quand on gère une entreprise, c’est aussi qu’il faut tout gérer en même temps. Et se dire : comment je fais pour être à la fois super alignée avec mon modèle de management, super alignée avec ce qu’on propose à nos clients, avec ce qu’on promet à nos utilisateurs, avec les développements de la technologie, avec ce que je veux faire moi… Il y a vraiment beaucoup de problématiques à gérer en même temps, dans la même journée.
Du coup, des montagnes russes !
Dans la même journée, je peux passer de « Mais c’est génial, on fait un truc de fou, j’adore ce que je fais » à « Pfff en fait on ne va jamais y arriver, ça n’a aucun sens ».
Et on se recouche, et finalement ça se passe bien (dans les bonnes journées !).
4 - Quelle est ta vision du digital aujourd'hui ?
Je pense qu’il y a quelques années, quand je finissais mes études, le digital et la tech, c’était un peu un eldorado.
J’ai toujours aimé monter des projets. Et monter un projet digital, c’était tout de suite : j’ai une idée, je peux la tester, je peux créer quelque chose.
Aujourd’hui, je suis un peu plus nuancée. Je pense qu’il y a plein de façons différentes d’avoir un impact. Avec le digital, on est arrivé plus à maturité, on est moins les étoiles dans les yeux en se disant « Tout est bon à prendre, on y va », mais plutôt « Il y a du bon, il y a du moins bon, il y a des limites. Le digital ne fait pas que du bien dans la vie des gens. Il y a d’autres choses à faire. » C’est un chemin qui évolue en temps réel.
Mais c’est vrai que Jam, c’est ma première vraie expérience professionnelle finalement, et c’est une expérience qui était 100% fondée sur le digital.
Et ça a été passionnant !
5 - Quelles sont tes conseils aux futurs entrepreneurs ?
Je leur dirais : « Ne cherche pas à faire une start-up, cherche à faire une entreprise. » et surtout cherche à résoudre un problème qui te passionne.
Quand tu entreprends, tu as des idées, tu as des envies, tu as des intuitions, mais tu dois surtout avoir envie de répondre à un problème plutôt que de calquer ta solution et l’imposer aux gens.
Ne pas passer du problème à la solution trop vite : au contraire, avancer main dans la main avec nos utilisateurs et nos clients, c’est ça que je referais.
J’ai un autre conseil à donner sur les levées de fond : il faut lever des fonds pour accélérer quelque chose qui marche, plutôt que de créer quelque chose. C’est trop dangereux, c’est trop de stress, c’est trop d’incertitudes de lever des fonds pour démontrer quelque chose. Il faut plutôt que ça vienne accélérer quelque chose qu’on a déjà réussi avec ses petits bras.
Je crois que la mission de l’entrepreneur aujourd’hui, ce n’est pas juste de simplifier la vie de son client, c’est s’intéresser à l’impact de ce qu’il fait d’un point de vue beaucoup plus global.
6 - Le mot de la fin...
« Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et tes femmes pour leur donner des ordres et leur expliquer chaque chose. Si tu veux construire un bateau, donne à tes hommes et tes femmes le désir de la mer. » Pour moi, cette phrase de Saint-Exupéry représente l’essence de l'entrepreneuriat.
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