“Fonctionnaire, privilégié, fainéant sans coeur” : si vous demandez à des usagers ce qu’ils pensent de ce métier, voici les mots qui reviennent le plus souvent. Une pince de contrôle dans une main, une sacoche, une casquette vissée sur la tête, un terminal de contrôle qui flashe les billets à la vitesse de la lumière… En 2019, nous nous éloignons de l’image du poinçonneur des lilas que chantait jadis Serge Gainsbourg en 1959. Borné, procédurier, sévère, retranché derrière des réglementations, agent commercial zélé, voici comment nous sommes perçus dans l’opinion public, ce qui est à l’opposé des réalités quotidiennes du métier. Moi c’est Agathe, contrôleuse de train depuis deux ans. Je profite de ces quelques lignes pour faire un petit tour des clichés les plus répandus sur ce métier.
Prêt à embarquer ?
|
#1. Contrôleur de train : Un gréviste
06 heures 10
Me voilà sur le quai de la gare d’Austerlitz, de bonne heure, trop tôt en fait, trois cafés bien serrés déjà engloutis.
Aujourd’hui, comme presque tous les jours de l’année, non, je ne serais pas en grève.
| | “ Les contrôleurs sont des grévistes qui prennent les usagers en otage ” |
Parmi les clichés qui gravitent autour du métier de contrôleur, celui-ci nous colle tout particulièrement à la peau.
Ces dernières années, les chiffres révèlent pourtant que le taux de contrôleurs grévistes est particulièrement faible (alors même que le nombre de grèves en France, lui, augmente).
Rappelons également que nous ne sommes pas payés durant nos journées de grève. Loin de moi l’idée d'élever la voix pour défendre mes collègues grévistes, mais la grève est une option souvent choisie “par défaut” quand le combat paraît légitime.
06 heures 27
Dernier coup d’œil à ma “Fiche train” avant le départ.
Vous allez me demander : qu’est-ce qu’une “Fiche train” ? C’est la fiche rassemblant toutes les informations concernant les trains que nous avons en charge (horaires, stations d’arrêts, correspondances etc..). Il n’y a pas de secret, nous révisons comme des étudiants studieux nos fiches avant chaque départ. Je ne sais peut-être pas vous citer avec exactitude la lignée des rois de France, mais je connais toutes les stations de trains du Nord pas de Calais.
#2. Contrôleur de train : Un fainéant
07 heures 45
C’est l’heure pour moi de faire le tour du train pour vérifier que tout est en place. “Que tous les voyants sont au vert”.
Véritable couteau suisse, le contrôleur doit avoir “plus d’un tour dans son sac”.
Ni pompier, ni secouriste, ni mécanicien, nous sommes pourtant tous formés à la sécurité et la sûreté de ton voyage : notre deuxième mission la plus importante.
Incendies, soucis techniques, comment doit-on réagir en situation de crise ?
Si un incident intervient, je deviens alors technicien.
Je dois me coordonner avec les autres trains et passer des annonces pour informer d’un éventuel retard. Tu as peut-être déjà entendu ma voix suave dans un des hauts parleurs de ton wagon. Tu m’as d’ailleurs peut-être déjà détesté pour avoir annoncé un retard de 30 minutes sur ton trajet, ou pour m’avoir entendu chanter, tentant de te divertir. On essaye comme on peut de minimiser les désagréments.
Note que les problèmes techniques ne sont pas les seules causes d’un retard. C’est là que le costume de “pompier secouriste” rentre (malheureusement) parfois en compte. Passager violent, personne sous l’emprise de l’alcool, ou face à un AVC : tout autant de situations d’urgence auxquelles nous pouvons potentiellement être confrontées.
La dimension humaine fait partie de notre quotidien, et cela demande de la patience, de la préparation et… beaucoup de sang-froid.
#3. Contrôleur de train : Un sans-coeur
09 heures 10
Une jeune femme arrive paniquée. Topo : elle dispose de 4 minutes pour atteindre son quai. Ni une ni deux nous courrons ensemble vers son train. In extremis, elle réussit à sauter dedans. Victoire n°1.
Un vieil homme avec un béret et un bichon maltais cherche une “mallette oubliée dans le wagon”. En quelques coups de fils, celle-ci est entre de bonnes mains, et retrouvera son propriétaire dans la matinée sans boucler la zone et faire intervenir les policiers Victoire n°2.
Ce sont autant d’anecdotes qui font notre quotidien et sont tout autant de petites réussites personnelles qui nous redonnent le sourire.
Renseigner sur d'éventuels retards, rediriger les voyageurs, les accueillir et les rassurer : nous tenons souvent le rôle d’Agent Commercial. Nous veillons à assurer la qualité de service et d’information et la prise en charge de notre clientèle.
| | “ Le contrôle des billets n’est qu’une des facettes du métiers. ” |
Cela occupe une infime partie de nos journées. Pourtant, c’est l’activité de façade que le voyageur voit en premier.
Voilà une corde de plus à notre arc !
#4. Contrôleur de train : Un antipathique
12 heures 38
Première pause avec mes collègues.
Le métier de contrôleur est un travail solitaire.
Entre collègues, nous ne faisons généralement que de nous croiser, au détour d’un café crème ou d’un jambon/beurre avalé entre deux trains.
Malgré des accolades en coup de vent, il règne sur les quais une vraie bienveillance entre agents et nous avons un réel plaisir à nous retrouver. L’esprit famille n’est pas une légende chez les cheminots, l’ambiance y est chaleureuse et conviviale.
15 heures 02
Entre deux trains, mon chemin croise celui d’un designer londonien, en escale en France. Intriguée par son exubérance, je m’autorise à lui poser quelques questions. Après quelques mots échangés, j’en apprends un peu plus sur son métier, sa famille, son regard porté sur la France…
Quelques minutes seulement qui peuvent égayer ma journée et me font voyager autrement.
| | “ Etre contrôleur, c’est aussi beaucoup d’échanges, de partages, de dialogues, de rencontres avec des voyageurs de tout horizon, de toutes professions… ” |
Cela demande une certaine empathie, une certaine ouverture d’esprit, et… une certaine pratique de la langue !
Incivilités, fraude, agressivité : le quotidien des contrôleurs reste éloigné de celui d’un agent de la BAC du 93.
Restons positifs.
Contrairement aux clichés, les situations conflictuelles avec des voyageurs ne sont pas monnaie courante, la plupart des voyageurs savent que nous sommes là pour eux.
#5. Contrôleur de train : Un privilégié
19 heures 51
Sur le podium des clichés répandus sur notre métier, nous retrouvons celui du statut de “privilégiés”. Nous, privilégiés ?
Pour ce qui est des primes, régulièrement pointées du doigt, elles font écho aux contraintes du métier, comme partout ailleurs : horaires décalés, déplacements fréquents, polyvalence des missions, éloignement du domicile…
Être contrôleur, c’est aussi beaucoup de nuits d’hôtel. Ce soir par exemple, comme approximativement trois soirs dans le mois, je passe ma nuit dans une chambre d’hôtel du centre-ville de Montélimar.
Si tu as un tempérament casanier, et que tu souhaites une vie de famille linéaire et équilibrée… Passe ton chemin. La flexibilité est notre mot d’ordre. Nous devons nous adapter à des horaires variables et des déplacements réguliers aux quatre coins de l’hexagone ce qui peut parfois s’avérer ingrat. Mais voir du pays, vadrouilleur, c’est (un peu) un mini Tour de France. Voyageuse dans l’âme, j’ai toujours apprécié cet aspect du métier.
23 heures 49
J’espère que lire mon quotidien t’a plu.
J’espère également avoir pu casser ces clichés que tu peux avoir sur nous et te faire découvrir une meilleure facette de notre métier.
Et si le résumé d’une de mes journées t’a donné envie de rejoindre mon métier, n’hésite pas à te renseigner auprès de l’organisme de ton département. Peut-être qu’un jour nous nous croiserons sur les quais, ou, dans un wagon.
A bientôt :-)
Si tu aimes les Clichés Vs Réalités, nous en avons d'autres à te proposer ci-dessous !
Le métier d'expert-comptable | Le métier de médecin |
@Wan2bee / @Images : Shuttestock / Wan2bee